Tous les spécialistes s’unissent pour dénoncer un état sanitaire dégradé depuis la première vague de Covid. Or, il n’était déjà pas extraordinaire. Dans ce contexte, on ne peut que déplorer le silence total des autorités de santé et l’absence d’initiative visant à (re)mettre en mouvement les Belges…
Les patients chroniques ont déserté les consultations pendant le premier confinement. Les choses se sont peu améliorées par la suite et se dégradent de nouveau. C’est le cas en cardiologie bien évidemment. Les hôpitaux ont été nombreux à lancer des appels alarmés, signalant notamment que le nombre d’infarctus hospitalisés avait chuté drastiquement (-50% d’hospitalisations pour STEMI selon une enquête menée par l’ESC; voir référence 1). C’est aussi le cas pour les syndromes coronaires chroniques et les patients à risque modéré ou élevé – comme les diabétiques – qui ne se sont plus présentés à la même fréquence.
Tous les spécialistes sont d’accord sur au moins un point: l’état sanitaire post-covid sera dégradé. Or, la situation n’était déjà guère brillante. Moins d’un tiers (30%) de la population adulte (18 ans et plus) répond aux recommandations de l’OMS de consacrer au moins 150 minutes par semaine à une activité physique modérée (2). En outre, si l’on se base sur les chiffres du baromètre santé nutrition français, on peut estimer que 12% des Belges passent plus de 8h30 assis par jour.
Pourtant, l’activité physique et/ou sportive est bénéfique à tout âge. Elle diminue la mortalité globale toutes causes confondues et augmente ainsi l’espérance et la qualité de vie. L’activité physique et/ou sportive réduit le risque cardiovasculaire, le risque thromboembolique, joue un rôle déterminant dans la prévention du diabète de type 2, de certains cancers (colon, sein), mais aussi de troubles cognitifs et dépressifs. La pratique d’une activité physique est reconnue pour booster les défenses immunitaires et exercer une action anti-inflammatoire, ce qui est bien utile en ces temps de pandémie. Lorsque la maladie est installée, l’activité physique et/ou sportive a un impact important sur l’évolution de la maladie (3, par exemple).
La sédentarité est le 4e facteur de mortalité cardiovasculaire le plus important, on a tous tendance à l’oublier et à ne pas communiquer suffisamment en ce sens vers nos patients ni vers les citoyens bien portants .
Selon le Conseil national français des activités sportives, la différence en dépenses santé entre un sédentaire et un non-sédentaire atteint 250€ par an, ce qui représente une charge financière colossale pour l’État, qui devrait être sensible à ce genre d’argument.
Le Covid-19 aura démontré qu’être obèse, hypertendu, cardiaque ou insuffisant respiratoire, être de sexe masculin ou simplement âgé, représentaient des vulnérabilités de santé. Il faut inciter ces personnes à bouger pour leur santé et indirectement pour leur survie en cas d’infection en respectant les consignes du déconfinement.
Le confinement et les mesures sécuritaires actuelles n’empêchent nullement la pratique régulière de l’exercice physique. La population, rendue anxieuse par la communication souvent inappropriée des médias et/ou perturbée par les voix discordantes des experts, est davantage préoccupée par la peur d’attraper le Covid-19 que par la prise en charge de ses propres facteurs de risque de santé. Alors même qu’elle sait que l’infection se développe de façon bénigne dans la grande majorité des cas (> 85% des cas).
Entre les deux périodes de confinement, les épreuves sportives compétitives ou récréatives ont été annulées les unes après les autres, même celles qui se déroulaient en plein air, dans un respect global des règles, ce qui est un très mauvais signal, car il sous-entend que ces activités sportives sont plus dangereuses que bénéfiques.
Pourtant, la communication est simple: bougez, bougez, bougez! Bien sûr, on sait que la prévention ne dispose que d’un budget infiniment petit, même hors pandémie, mais il me semble qu’un message positif, facile à communiquer, serait à la fois bon pour le moral de la population et pour la santé publique.
Plus encore et, même si rien ne peut plus être comme avant le 15 mars 2020, il est grand temps de tout repenser, restructurer, réévaluer et sécuriser, afin de répondre à cet enjeu formidable de la dispensation de l’activité physique comme thérapie non médicamenteuse.
Il faut innover pour définir un nouveau parcours de soins sport santé (un projet dont nous vous reparlerons, qui prévoit de screener les plus de 50 ans et de les orienter vers l’activité physique la plus adéquate). Comme on pouvait le lire dans une carte blanche publiée il y a plus d’un an dans la Libre, il y a mieux et plus fort que la recommandation: la prescription! En la matière, plusieurs initiatives émergent. La France notamment, qui revoit sa première législation sur le sport sur ordonnance afin de la rendre plus opérationnelle. Quelque 138 maisons sport-santé certifiées ont été inaugurées en France en janvier 2020 et 500 sont prévues à l’horizon 2020. En Belgique, à l’exception de quelques communes qui ont développé le sport sur ordonnance et d’autres qui soutiennent activement l’activité physique adaptée, ces initiatives relèvent encore trop souvent du niveau local et ne touchent qu’une partie trop restreinte de la population. Sans coordination entre les acteurs impliqués, INAMI, mutuelles, milieux médical, paramédical, associatif et APA/sportif, et sans cadre législatif, le modèle peinera à s’étendre (4). Et là, comme pendant le confinement, c’est le silence total au niveau des autorités de santé.
Que les (9) ministres de la Santé rappellent la nécessité pour les Belges de pratiquer une activité physique ou sportive tant du point de vue du bien-être que de la santé de chacun fait partie de leur mission et correspond à un domaine où l’unanimité pourrait, pour une fois, être obtenue. La pratique d’une activité physique et sportive est un enjeu de santé publique d’autant plus dans la crise que nous traversons.
Alors, Mesdames et Messieurs les Ministres de la Santé, qu’en pensez-vous ?