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21/05 – On en parle peu et pourtant la revalidation cardio-pulmonaire peut contribuer significativement à la récupération fonctionnelle des patients présentant une Covid longue. C’est le message de cette étude qui montre qu’un programme d’exercices aérobies et de renforcements musculaires réduit la fatigue, améliore « la performance », les fonctions cognitives et, de façon générale, la qualité de vie du patient. Les commentaires du Dr Séverine Abellaneda (Chef de service de kinésithérapie et revalidation fonctionnelle, CHR Haute Senne), pour qui ce type d’intervention a incontestablement sa place dans la prise en charge fonctionnelle post-Covid-19 malgré le fait qu’elle soit peu proposée.
Après une Covid-19, près d’un patient sur 3 fait état de symptômes persistants ou de nouveaux symptômes plus de 3 mois après la phase aiguë, sans lien avec la sévérité de l’infection ou une hospitalisation. Ils sont repris sous l’entité clinique de « Covid de longue durée » et environ 50 symptômes ont déjà été répertoriés. Selon un rapport du KCE, les plus fréquents sont une fatigue persistante affectant jusqu’à 98% des patients, une dyspnée pour un effort modéré (93%) et des maux de tête (91%). S’ajoutent des symptômes cardiovasculaires (palpitations et tachycardie) chez 6% à 86% des patients, la perte de goût et d’odorat (57%), des troubles gastro-intestinaux (reflux, diarrhées…), des troubles cognitifs (mémoire, concentration) et de l’humeur (dépression…).
Agir: oui mais comment?
Face à ce constat, l’European Respiratory Society recommande d’inscrire ces patients dans un programme de revalidation cardio-respiratoire (RCR). Qu’entend-on par RCR? Pour le Dr Abellaneda, « la RCR comporte un ensemble d’interventions nécessaires pour permettre aux patients de récupérer, maintenir ou améliorer leurs fonctions cardio-respiratoires. L’approche peut être pluridisciplinaire. Plus précisément, la partie kinésithérapie consiste en un réapprentissage de la dynamique respiratoire en termes de volume, de fréquence et de mobilisation des segments thoraco-abdominaux pour reproduire une respiration « efficace » lors d’un mouvement fonctionnel comme monter un escalier. La RCR va contribuer à l’amélioration de paramètres majeurs comme la résistance et l’endurance à l’effort, la récupération d’une masse musculaire suffisante etc. et plus globalement, à la qualité de vie« . Plusieurs études réalisées en post-SARS (2009) ou MERS (2013) ont montré qu’un pourcentage significatif de patients laissés sans RCR n’avaient pas récupéré leurs fonctionnalités plusieurs mois après la phase aiguë. Un patient sur 2 a dû réduire son temps de travail et un sur cinq est sans travail.
Un programme physique et éducationnel
Dans cette étude britannique (1), 30 patients (âge moyen : 58 ans) infectés par le SARS-CoV-2, ont été inclus dont 26 (87%) hospitalisés pour une durée moyenne de 10 jours, 5 (14%) sous ventilation mécanique, 4 admis en USI. Le temps moyen entre l’infection et le début de la RCR était de 125 jours. A l’inclusion, la SpO2 moyenne était de 96,3%, la FC moyenne au repos était de 80,9 bpm. Les patients ont bénéficié de 6 sessions (2 heures/semaine). Le nombre moyen d’heures de sessions suivies est de 11 et 30 patients ont suivi au moins 8 sessions. Le programme comporte des exercices sur tapis roulant, des renforcements musculaires mais aussi un volet éducationnel sur la façon de respirer, de se mouvoir, de gérer sa fatigue, d’exercer sa mémoire, etc. assorti d’indicateurs de progression (2). Pour le Dr Abellaneda, « l’éducation du patient et son implication dans la prise en charge sont des facteurs qui potentialisent les résultats. En post-Covid, peut s’installer la peur de manquer d’air dans des efforts modestes. Si on apprend au patient comment gérer cette situation, comment reprendre son souffle, il comprend mieux le sens de la RCR« .
Des résultats convaincants
Les patients assidus ont une amélioration de 112 mètres (p < 0,01) du test ISWT (Incremental Shuttle Walking Test) et de 544 secondes (p < 0,01) du ESWT (Endurance Shuttle Walking Test). Le niveau de fatigue s’améliore (+ 5 points, p < 0,01) sur base du score FACIT, de même que la qualité de vie (+ 8 points) sur base du EQ5D et les fonctions cognitives (+2 points, p < 0,01) sur base du MoCA. L’amélioration des scores d’anxiété et de dépression HADS n’est pas statistiquement significative, mais ils sont relativement bas à l’inclusion. A souligner qu’aucun patient n’a abandonné le programme.
Est-ce convaincant? Pour le Dr Abellaneda, « les résultats montrent qu’un effort raisonné et encadré n’est pas une source de fatigue supplémentaire et délétère, que du contraire. C’est d’ailleurs un résultat largement documenté dans la prise en charge fonctionnelle de patients souffrant de maladies chroniques comme des cancers. De surcroît, les paramètres se sont améliorés après 6 à 8 sessions seulement alors que revalider un patient prend généralement plus de temps, ce qui paraît très encourageant« .
L’expérience du CHR Haute Senne
« Par des contacts avec nos collègues asiatiques et américains au cœur des épidémies de SRAS et MERS, nous savions que la prise en charge devait être précoce pour viser un haut niveau de récupération à long terme. Nous avons donc mis en place un programme en 3 phases. Dans un premier temps, le patient est évalué durant son hospitalisation en USI ou services Covid et, selon les résultats, pris en charge sur les plans cardio-respiratoire et/ou musculaire, neuro-musculaire, neurologique et cognitif. Une fois à domicile, il bénéficie pendant 4 à 6 semaines, d’un suivi virtuel pour lui permettre de progresser dans ses activités quotidiennes. A l’issue de cette période, une évaluation est à nouveau planifiée pour quantifier les progrès et identifier les besoins dans la perspective d’un retour à la normale. Sur les 500 patients Covid sortis d’hospitalisation (10% en USI) au CHR jusqu’en février 2021, 86% ont eu accès à la kinésithérapie durant leurs séjours et à peine 2,3% ont été pris en charge en ambulatoire alors que la littérature mentionne que 15 à 20% des patients vont garder des séquelles fonctionnelles, pour lesquelles des solutions pouvaient être proposées« .
Un patient témoigne…
Même si le nombre de patients et de séances est faible, ces données démontrent le bénéfice et la faisabilité d’une RCR en post-Covid. Et ce n’est pas l’auteur de cet article qui vous dira le contraire. Sorti d’une Covid sévère après 4 semaines d’hospitalisation fin 2020 (cf. l’article Saturation 80), il s’est astreint à 3 séances de 2 heures par semaine de RCR pendant 3 mois au CHR Haute Senne. Aujourd’hui il est totalement asymptomatique et en meilleure condition qu’avant Covid-19! Pourquoi un RCR est-il si peu proposé? Pour le Dr Abellaneda, « c’est plurifactoriel. Des patients ont voulu tirer un trait sur l’épisode et ne pas revenir en hôpital, d’autres ont été suivis en privé ou on ne leur a pas proposé la RCR, d’autres encore ont développé une symptomatologie à distance de la phase aiguë et le lien avec l’infection a été sous-estimé. Enfin, il reste la crainte – injustifiée – que les exercices n’aggravent la fatigue ou la dyspnée alors qu’ils sont adaptés à la situation du patient, ses capacités, ses besoins et ses objectifs, et réalisés sous surveillance. Aucun effet secondaire n’a été observé dans notre pratique« . Une approche à proposer pour le bien-être du patient dans sa globalité…
Références
- Daynes E, et al. Chron Respir Dis 2021;18:14799731211015691. doi: 10.1177/14799731211015691.
2. www.yourcovidrecovery.nhs.uk